Adjugé

196 800 euros frais compris. Lundi 12 décembre, Drouot-Montaigne Carlo Ponti (1823-1893), mégalethoscope, teck noirci incrusté d’ivoire, Venise, vers 1860, 140 x 110 x 66 cm. Cette étrange machine pourrait trôner dans le salon du capitaine Nemo, entre un orgue-cathédrale, un tridacne géant et une causeuse capitonnée ruisselante de passementerie. Instrument d’avant-garde, elle n’hésite pas à se parer d’un décor “beaux-arts” tout à fait dans l’esprit du temps. Daté vers 1860, ce mégalethoscope inventé par le futur opticien de Victor-Emmanuel II de Savoie, Carlo Ponti, déclenchait les envies puisque estimé au plus haut 100 000 euros, il en atteignait 160 000. Un passionné, James Weber, recense sur son site Internet une soixantaine d’engins de ce type. Le nôtre est unique dans son genre, une commande spéciale réalisée à l’intention d’une riche famille napolitaine. L’appareil lui-même est posé sur un cabinet parfaitement assorti, datant de 1862, dont les grands médaillons présentent des allégories de l’industrie, l’art, la science et l’agriculture. Il contient trente photographies de Ponti. Mais à quoi sert donc cette machine ? Il s’agit d’une visionneuse permettant à la fois de regarder une photographie en couleur, de donner une impression de perspective et last but not least, grâce à un système d’éclairage naturel ou artificiel, d’obtenir un effet diurne ou nocturne. Bien entendu, ces variantes ne peuvent être obtenues qu’avec des images spécialement préparées... Né en Suisse, Ponti étudie la photographie à Paris puis s’installe à Venise vers 1852. Il y ouvre son officine, proposant aux touristes des albums de vues de la Sérénissime, mais aussi du reste de l’Italie et même de la Turquie, la Grèce, la Suisse ou la France. Mais le photographe ne s’arrête pas là, mettant au point son mégalethoscope, breveté une première fois en 1859 puis en France trois ans plus tard, après envoi des spécifications techniques de l’invention à la Société française de photographie. Si les commanditaires de notre exemplaire sont anonymes, un de ses propriétaires l’est moins... Il s’agit de Jack Naylor, ingénieur et industriel américain ayant fait fortune grâce à un modèle de radiateur de voiture. En cinquante ans, il réunira la plus importante collection au monde ayant trait à la photographie – 31 000 objets, daguerréotypes, tirages, etc. –, dispersée chez Guernsey’s en 2007, l’année de son décès. LA GAZETTE DE L’HÔTEL DROUOT – 6 janvier 2012 – N° 1