[Gauguin (Paul)] - Lot 56

Lot 56
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[Gauguin (Paul)] - Lot 56
[Gauguin (Paul)] Lettre autographe signée de George Daniel de Monfreid à Émile Schuffenecker à propos de la mort de Gauguin. Saint-Clément, 20 octobre 1903, 4 pages avec enveloppe timbrée oblitérée (27 x 21 cm). Chemise de Devauchelle. Longue et savoureuse lettre autographe signée, de George Daniel de Monfreid à Émile Schuffenecker quelques mois après la mort de Gauguin, à propos de celui-ci. C'est chez Schuffenecker, 29, rue Boulard, que Monfreid rencontra Gauguin en 1887, alors que celui-ci revenait de la Martinique. Monfreid et Schuffenecker comptèrent parmi les proches d'entre les proches du peintre, mais la situation se dégrada entre Gauguin et Schuffenecker, et celui-ci se plaignit amèrement du comportement de l'artiste à son égard (il logea et fournit le couvert durant plusieurs mois à Gauguin, lequel ne dédaigna pas non plus son épouse...). Dans la présente lettre, Monfreid passe ses écarts à Gauguin, tentant d'expliquer à son correspondant la personnalité et le génie du peintre, tout en essayant de le raisonner par rapport à ses déceptions sur sa propre activité artistique : « Mais que diable attendiez-vous de l'art ? La notoriété ? La fortune ? Les honneurs ? etc. Je ne vous fais pas l'injure de vous croire si naïf : et vous savez aussi bien que moi que l'art est un luxe, une jouissance qu'on se donne quand on fait métier d'artiste. Rêver d'avoir du génie et s'apercevoir qu'on n'en a pas est une blessure d'amour propre pour ceux qui n'ont dans la peau que de l'orgueil : car l'art se manifeste dans d'humbles productions qui, sans être géniales, peuvent être délicieuses - pour soi et pour autrui - quand on évite de forcer son talent », avant d'enchaîner sur Gauguin : « [...] Comme vous, mon cher ami, je suis obligé d'avancer que Gauguin n'a pas fait tout ce qu'il aurait pu ou dû pour s'attirer l'affection ou même la sympathie personnelle de ceux qui l'approchaient. Mais aujourd'hui qu'il est mort nous n'avons plus qu'à considérer l'artiste. Pour moi, et par une bien curieuse exception, je me trouve à n'avoir subi aucune ‘rosserie' de sa part. Bien mieux : dans ses dernières lettres, il m'a exprimé des sentiments, bien inusités chez lui, de gratitude presque attendrie pour la fidélité avec laquelle je m'occupais de ses petites affaires, pour ma correspondance régulière etc. Il écrivait à M. Fayet en termes si élogieux sur mon compte que j'ai quelque pudeur à vous répéter ses paroles. Je sais bien qu'au fond, il avait quelque intérêt à me vanter aux yeux de M. Fayet ; mais je crois que le pauvre Gauguin devait terriblement sentir la détresse de son abandon, là-bas au bout du monde. Et il a dû mourir bien misérablement [...] Que voulez-vous, mon cher ami, Gauguin fut avec vous de la dernière ‘rosserie' ; mais après tout ne trouvez-vous pas heureux, par certains côtés, d'avoir connu et fréquenté ce grand bonhomme, dont l'extraordinaire mentalité a rejailli sur nous tous ? Nous avons été les premiers à subir l'élan donné par son tempérament au souffle de tempête. Les imbéciles n'ont vu en lui que les côtés puérils ou naïfs (il avait, n'est-ce pas, d'extraordinaire naïvetés) ou s'arrêtaient, choqués, à son farouche égoïsme. Il nous faut être plus avisés, et aller mieux au fond des choses : voir à quel point il nous a sortis de la banalité, quels horizons il nous a découverts. A-t-il bien gâché sa vie ?... C'est douteux. Il a fait incontestablement œuvre féconde ; et à coup sûr il a beaucoup senti, beaucoup vécu. - Certes ce n'est pas un modèle à proposer à nos enfants ; mais sa valeur doit lui faire pardonner beaucoup - surtout après sa mort. Allons, mon cher, bon courage ; soignez-vous au physique et même au moral : ne vous laissez pas décourager [...] je vous serre la main de tout cœur. Geo. de Monfreid ». Cette lettre fut écrite une dizaine de jours avant la première exposition du Salon d'Automne, où, grâce à l'intervention de ses amis, une salle fut consacrée à Gauguin. Ce fut Monfreid qui, apprenant le 23 août la mort de Gauguin, se chargea d'annoncer la nouvelle à ses amis et clients. Provenance : Émile Schuffenecker.
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